Ecrits du coeur

Ecrits du coeur

Comme ceux de la main

Comme ceux de la main

-      Salut

-      Bien dormi ?

-      Non, j'ai fait un cauchemar. J'avais dix doigts autour de mon cou, et ils serraient l'un après l'autre.

-      Ben c'est pas grave,  c'est qu'un cauchemar…

-      Ben oui, mais le pire, c'est qu'ils discutaient entre eux

-      Ah oui, et… ils disaient quoi ?

-      Y en a un qui demandait à l'autre si il avait faim. Et l'autre lui a répondu qu'il mangerait bien quelque chose, comme ça, sur le pouce…

Un autre doigt a dit que si il avait été majeur, il se serait bien fourré dans le pot de confiture, mais il y en avait toujours quatre autres autour pour l'en empêcher. Puis le plus petit de tous a dit que c'était lui qui avait cafeté, rien que pour emmerder le monde. Il savait tout, le petit doigt… une sacré pipelette, celui la…  D'ailleurs, on lui a dit que si il ne se taisait pas, on allait le mettre à l'index… le quatrième, lui, il chantait tout le temps… il disait que bientôt, on lui passerait la bague… les autres lui ont demandé si il avait prévu de faire un casse, il a répondu que c'était un mariage… et que si les autres voulaient être témoins, ils seraient les bienvenus à la noce… quand ils lui ont demandé avec qui il se mariait, il a répondu que l'élue de son cœur s'appelait Anne Hulaire… je sais pas pourquoi, mais à ce moment là, ils se sont tous mis à rigoler, et ils ont serré mon cou….

Puis je me suis réveillée, j'étais tout en sueur…

Et tes doigts, ils allaient bien ?

Oui, mais ils ont insisté pour que j'aille poster cette histoire sur un site d'histoires à dormir debout….

-      Et tu vas le faire ?

-      Au début je voulais pas, mais ce sont les lunettes qui ont insisté….. elles m'ont dit que si je ne le faisais pas, elles  iraient faire un plongeon avec les doigts dans

le pot de confiture…

-      Alors tu comprends, je n'ai pas insisté, j'ai cédé…. Ils sont tellement solidaires, entre eux ….


24/05/2014
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Liban, je t'aime, moi non plus

Liban,  cet ami fatidique.

 

 

J'ai envie de vous parler de lui, qui m'a accompagné près de trois ans.

Suite à une émission de télé, dont seules les nuits savent nous faire cadeau, j'y ai retrouvé de nombreuses impressions de ce pays avec lequel j'entretiens un curieux rapport.

 

Quel est il, ce rapport ? C'est assez proche de « je t'aime, moi non plus ». Je suis allée dans ce pays à reculons, mais il m'a marqué à jamais. Syndrome de Stockholm ?  Sans doute ; Reste, que depuis que je suis rentrée en France, ce dont longtemps j'ai espéré ce moment, mes pensées vont encore et toujours vers ce pays, où, finalement, j'ai peu vécu dans le temps, mais rien ne peut m'en laisser indifférente. Je crois que c'est le lot commun des gens qui ont vécu là bas, et des gens qui en général, ont vécu une expérience forte. Beyrouth vous marque aux tripes. Vous ne pourrez jamais oublier Byblos (ou Jbeil dans la langue parlée), et ses ruines, le berceau de l'alphabet avec lequel nous formons maintenant nos mots, chacun dans notre langue. Le mot bibliothèque vient de là bas. Byblos est une oasis de paix (oui, je sais, le mot paix au Liban est anachronique), où tout le monde s'entend pour garder une sorte de « tête froide », loin de la grande sœur Beyrouthine où les confessions se déchirent mutuellement, en ayant oublié même les raisons de ce pourquoi elles le font.

 

À Byblos, j'ai goûté, à la terrasse d'un restaurant, avec vue sur le port, des poissons grillés à la saveur inimitable, dans une ambiance hétéroclite, une sorte de paix que je n'ai trouvée nulle part ailleurs dans ce pays ravagé par 15 ans de guerre fratricide, j'y ai retrouvé les paysages méditerranéens  d'un sud de la France, ou de l'Italie, "on dirait le sud"...  sinon la langue, et encore !  ça parle beaucoup plus français à Byblos qu'arabe ou plus exactement libanais puisque c'est un dialecte!!!!

 

J'ai le souvenir que, lorsque je suis arrivée, bien perdue, au Liban, j'avais adhéré à une association de femmes françaises, histoire de se retrouver un peu entre nous, les " pauvres paumées" (c'est une image, les français qui sont là bas ne sont pas vraiment pauvres en général, la plupart sont sous contrat de l'état français ou de grandes entreprises qui facilitent grandement la vie des "expatriés" ! ), et la présidente de cette association m'avait mis dans les mains un gros roman dont je me disais que je n'en viendrais jamais à bout,  "le pavé", en somme !  qui s'appelait " la mémoire des cèdres" ;  elle m'avait dit : tu verras, quand tu auras passé la dixième page, tu pourras plus en décoller. Comme elle avait raison ! non seulement ce roman, relatant cette terrible guerre qui a hanté mon adolescence (j'avais 16 ans lorsqu'elle a été déclarée et, dans l'école où j'étais, on accueillait des réfugiés libanais) dont on parlait tous les jours à la radio et à la télé, ce roman a éclairé comme une lampe en plein milieu de la nuit, la jungle de ce pays où jamais je n'aurais imaginé atterrir un jour.

 

Il m'a permis de comprendre ce système confessionnel qui a donné naissance à la constitution du pays, lors du protectorat dont jouissait ce pays jusque dans les années 30, de prendre la mesure de ce qui les a amené à se trucider entre eux, êtres humains nés dans les mêmes villages ou villes, ayant usé leurs fonds de culottes sur les mêmes bancs d'école, ayant dragué les mêmes jolies filles, et ayant fait les mêmes 400 coups ensemble, lors de leurs adolescences. Et aussi à mettre un « visage » sur les massacres de Sabrah et Chatillah, ces horreurs commises par des gens qui se disent croyants... je sais, cette période noire du Liban, chacun d'entre eux cherche à l'oublier, mais il reste trop d'images, trop de souffrance(s), trop de rancune(s) pour que un jour ces atrocités fassent partie du passé.

 

 

Quoiqu'il en soit, les Libanais sont des grands enfants, qui font d'autres enfants, et qui ne vivent que pour leurs enfants. Ils sont à la fois parents et gamins. Ils ont cette énergie du désespoir qui leur dit que si eux n'ont pas réussi à garantir la paix, ce seront leurs enfants qui la feront. Ils vivent comme si ils devaient mourir demain. Les murs de Beyrouth sont encore marqué des tirs de mortier comme si ça avait été fait la veille. Les routes de ce pays sont encore marqués de trouées d'obus qui rappelleraient à nos vétérans de la première guerre mondiale les pires souvenirs...

 

Le Liban a vécu une bonne quinzaine de tremblements de terre depuis l'antiquité. C'est un pays fragile, et solide à la fois. Beaucoup de sites sont millénaires.

Je parlais de Byblos, au début de ce récit. il y a aussi Baalbek, et ses colonnes impressionnantes. Il y a aussi Anjaar, à l'est de ce pays, et sa nécropole, puis les trois villes les plus importantes : Saida ou Sidon, Tyr, au sud, et Tripoli, au nord. Puis au centre, dans la plaine de la Bekaa, Zarhlé, ville atypique, sans réelle beauté, mais avec des oasis de plantes dignes des 1001 nuits !  

 

Reste que je ne pouvais vous parler de ce pays sans y planter un décor. Certes, subjectif, mais il m'est difficile de me détacher de ce que j'y ai vécu !

 

À la fin de ce mois ci, cela fera trois ans que j'en suis revenue. J'avais dit en partant que je n'y remettrai jamais les pieds. Et comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, et qu'à aucun prix je ne veux passer pour une imbécile, je suis en train de me dire que, vu sous un autre angle, le pays vaudrait  bien à être revu. Avec mes yeux de maintenant. J'y suis allée forcée, sans le vouloir, avec beaucoup d'appréhension, parce que je n'y partais pas « en vacances », puis maintenant, j'irais bien refaire un tour « du côté de Beyrouth », voir ce qui a changé, ce qui est resté, ce qui a évolué, et ce qui n'a pas évolué.

 

Revoir la corniche (un peu la même que le bord de mer à Nice, en plus coloré) revoir la Grotte aux Pigeons (un des lieux touristiques de cette même corniche), puis le port de Jbeil,  puis le palais de Bettedine, sur les hauteurs du pays,  cet endroit où est né Whalid Jumblatt, et qui y vit toujours, (enfin, à quelques encablures) revoir les endroits où Gibran Khalil Gibran, ce grand poète s'est inspiré de l'air ambiant pour écrire son œuvre, et revoir quelques endroits du cœur de Beyrouth, préservé mystérieusement des tirs d'obus, de mortiers, de grenades et de Kalachnikovs qui gardent ce charme de ce qu'on appelait jadis la « Suisse du Moyen-Orient ».

 

C'est ça aussi, le Liban ! un pays atypique, dans ce coin d'Orient où règnent les Mollahs et autres gourous de l'Islam radical, un pays où on peut aussi bien se balader en mini jupe, montrer son nombril sous un t-shirt court et la couleur de ses cheveux qu'en djellaba, voilée et ne montrer (et encore !) que la couleur de ses yeux.  Où les églises jouxtent presque les mosquées. Où on peut entendre les cloches maronites en même temps que l'appel du Muezzin dans le minaret ! Ce pays qui a réussi l'intégration de pas moins de 17 communautés différentes !

 

Qu'en dire de plus ! que l'actualité nous rappelle en ce moment que nous, français sommes très attachés à ce pays, et que eux, aussi, sont très attachés au nôtre.

Que nos politiques, qui ont « géré » ce pays pendant une bonne trentaine d'années ont la mémoire courte (je rappelle que la constitution de ce pays est l'oeuvre d'un français ) et qu'à l'heure où encore un ex premier ministre et un journaliste de renom viennent de se faire assassiner, je n'ai pas encore entendu le locataire du quai d'Orsay se manifester pour condamner ces  crimes abjects. Aucune vie ne mérite ce sort là, surtout pour avoir pensé que la liberté et la démocratie doivent être la base d'un rapport de confiance entre les dirigeants et leur peuple !

 


24/05/2014
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Bon voisinage

Bon voisinage.

 

Edmée Deleuil se réveille, en sueur, avec un horrible goût de sang dans la bouche. Tout autour d'elle, c'est le chaos. Elle croit avoir fait un cauchemar, mais c'est pire. C'est vrai. Le chaos, à côté, c'est un parc d'attractions pour aficionados de la mitraillette. Là, son paysage autour d'elle, c'est béton éclaté, bouts de cervelles et de viande non identifiée, odeur pestilentielle de boue, d'excréments et d'usine de retraitement d'ordures ménagères qu'on aurait laissé à l'abandon. Le paysage n'a plus rien à voir avec le petit appartement étriqué, mais coquet qu'elle s'en était fait. Son deux pièces cuisine n'était plus que ruine, mais le pire, oui, le pire, c'est qu'il n'y avait plus de vue. Adieu le jardin luxuriant et la vue sur la piscine de la résidence. Tout ceci n'était plus que souvenir… Adieu les jolies pelouses bien vertes entretenues avec amour par le gardien jardinier… elle en aurait presque regretté le bruit de la tondeuse et du taille haie, et la vue sur la terrasse de la voisine d'en face… d'ailleurs, la voisine, elle doit être morte, et de toute façon, bien fait pour elle, Edmée ne pouvait pas voir cette petite emmerdeuse qui prenait des aises avec sa terrasse et son jardin… mais Edmée ne voyait plus la terrasse d'en face. Une monstrueuse explosion avait eu lieu dans la nuit, un missile perdu, mal tiré, venu d'on ne sait où, mais la bombe avait fait ce pourquoi elle avait été envoyée. Certes, elle avait épargné Edmée, mais la vieille carne ne pourrait plus sortir de chez elle, bloquée qu'elle était par les gravats qui s'élevaient tels une sorte de fort inviolable, lui laissant juste à peine un mètre carré pour se tourner.

Heureusement pour l'entourage, c'était un tout nouveau modèle de bombe qui n'atteignait que sa cible, sans faire aucun autre dégât autour.

Et quand je dis heureusement, c'est tant mieux, car la bombinette, c'est moi qui lui ai envoyé.

Elle n'avait qu'à pas regarder chez moi à longueur de journée. Y a une justice, tout de même !

 

 


10/07/2014
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le mari de la boulangère

Décidement, ce  n'était pas le jour. Fallait pas l'emmerder, la boulangère. Déjà que son imbécile de mari avait oublié de se lever ce matin parce qu'il avait un peu trop abusé hier midi avec les autres commerçants de la rue, à préparer la fête des moissons, ça s'était fini au troquet, et de tournée générale en coup particulier, le boulanger avait laissé les mitrons se débrouiller de la préparation de la fournée, et ça n'était pas reluisant ce matin…. Alors si en plus, la boulangère devait sourire à tous ses clients, (et surtout à certains qui ne manquaient pas d'admirer ses belles miches ostensiblement), alors ça lui figeait le sourire en rictus menaçant à la boulangère… et dans ces moments là, elle avait envie d'envoyer tout le monde aller chercher ailleurs si elle y était.

Le pompon, ce fut Edmée Deleuil. La vieille garce avait envie de se payer une religieuse. Et ce matin, comme par hasard (et à cause des libations du boulanger) il n'y en avait pas. Et c'est que l'Edmée, quand elle avait envie d'un truc gourmand, elle insistait lourdement, jusqu'à ce qu'elle l'obtienne, quitte à réveiller le boulanger pendant sa sieste pour qu'il lui fasse le dit gateau… mais la boulangère ne l'entendait pas de cette oreille, ce matin. Elle essaya d'être aimable dans un premier temps, puis le ton monta, passa au menaçant, aux noms d'oiseaux, et se termina en pugilat entre les deux mégères. Les gâteaux fusèrent de toutes parts, et la boulangerie patisserie se fut trouvée repeinte en trois coups de cuillères au chocolat, café, et autres pralinés, crèmes au beurre et patissières. Les clients présents furent bons pour retourner sous la douche, et accessoirement au pressing. La maréchaussée fut appelée en renfort, et les deux femmes se retrouvèrent au poste, tandis que le boulanger, qui n'avait rien compris de ce qui se passait, se demandait bien pourquoi sa femme se retrouvait en cellule de dégrisement à sa place, alors que c'était lui qui avait bu…

Mais finalement, il se dit qu'il irait bien boire un coup, puisque sa femme ne pouvait pas l'en empêcher. Il décida donc qu'il allait divorcer, que depuis près de 20 ans qu'elle l'emmerdait tous les jours avec un emploi du temps qui lui allait de moins en moins, il en avait sa claque, et il allait partir au loin, dans les îles, pour profiter du fruit de son dur labeur.

La boulangère et Edmée Ledeuil, réunies dans une solidarité toute féminine envers les hommes qui-sont-tous-des-salauds eurent tout le loisir de se rendre ensemble au centre commercial voisin, pour y déguster les gateaux industriels de la caféteria, en fustigeant la gent masculine et sa faiblesse.

Ce fut ce moment que choisit un jeune kamikaze pour faire se faire sauter dans un attentat suicide terroriste. Les deux femmes moururent religieusement en train de déguster leur pâtisserie.

Morale de l'histoire : la gourmandise est un vilain défaut. La méchanceté aussi. Mais qu'est ce que ça fait du bien, l'un comme l'autre !


10/07/2014
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Chômeur, et même pas honte !

Ce texte a été rédigé suite à une émission de France Inter entendue le  matin du 30 mars 2006, sur les chômeurs. comme j'avais envie de mêler mon grain de sel la dedans, je me suis précipitée sur mon pc, et voilà le résultat.
Bien entendu, ce texte n'engage que moi !

Cet article est paru dans un ouvrage collectif sorti le 15 mars 2007, aux "Editions de la Lune".

la rédaction de ce bouquin a été dirigée par Jean Jacques Reboux, que je remercie parce qu'il m'a donné là la première chance de sortir "par écrit"... c'est chouette, non ?

Je me présente : je suis le n° 04290403 G  avec accessoirement, un nom. Qu’on trouve quand même le moyen de noter sur les enveloppes parce que le facteur ne connaît pas bien cette facette de ma personnalité.

 

S’il il en savait plus long, le facteur, nul doute qu’il m’apporterait le courrier de ma chère Agence plus rapidement, car, la plupart de temps, je reçois les convocations à caractère obligatoire, urgent, et extrêmement important le lendemain, ou le surlendemain, voire, la semaine suivant de la date de la bataille ...

 

Et bien sûr, il m’est notifié dans la convocation que si j’y vais pas, je vais être radiée ... Mon dieu, quelle horreur ! radiée de quoi, au fait ?  radiée de la liste des demandeurs d’emploi ? donc, considérée de facto comme ayant retrouvé un travail, un taf, un job, un boulot, un esclavage, une occupation, une passion, bref... un truc où on est sensé gagner des sous pour en redonner une très grosse partie à l’Etat... et si je suis sage, on m’en laissera peut-être un peu pour m’acheter un bonbon...

 

Quelle vie palpitante que celle du chercheur ...

 

Toute la journée à courir après le mouton à 5 pattes, l’emploi convoité ... bien payé, près de chez soi, nourri, logé, blanchi, et payé à rien faire . Fonctionnaire, tiens ! c’est un bon taf, fonctionnaire ... toujours en grève, mais toujours payé . et toujours prêt à la faire à la place des gens du privé qui ne peuvent pas, par peur des représailles patronesques et, par solidarité avec eux, bloquer la France entière, y compris l’administration qui nous intéresse ici, et qui fait mon propos.

 

Puis après tout, moi aussi, je fais partie de l’administration ! ben oui, puisque j’appartiens au corps de l’état ... en tant que chercheur ... je fais partie de la section la plus active du corps des inactifs, puis que je cherche, désespérément, un emploi ....

 

Alors on pense à nous ! on nous concocte de derrière les fauteuils en cuir pleine peau des formes diverses et variées de contrats de toutes les teneurs, de toutes les couleurs, pour qu’on y voie que du feu... on nous dit : « signez là, on sait pas si on va vous garder longtemps, ça dépend de vous ... », et encore d’autres petites manœuvres du genre ... on va vous fournir un stage, vous serez payé pour apprendre ... Génial, ça, être payé pour apprendre, je voudrais faire ça toute ma vie... mais pour apprendre quoi ? un métier ? ça se saurait !

 

Ah oui... les stages... en quelques années de recherche, on m’a bien fait comprendre que mon parcours s’avérait nettement insuffisant maintenant parce que les techniques avaient évolué, parce que au lieu de taper sur une bonne vieille mécanique de machine, on utilise un traitement de texte, parce que on ne peut plus dire au téléphone : « ne quittez pas », mais plutôt « veuillez rester en ligne », parce que au lieu de recevoir des notes de service au sein du dit service, on appuie sur un bouton de son pc pour lire son « mémo »... que ce n’est plus vous qui rédigez un courrier, mais que le pc peut faire ça pour vous en interprétant les quatre notes que vous aurez prises en une symphonie concoctée par un système d’assemblage de paragraphes tout écrits à l’avance, et que ça vous donne un super salmigondis de langage administratif auquel personne, (surtout pas vous) ne comprend mais ...

 

Donc, comme on pourra le constater, dans les stages, j’ai été, dans les stages, j’ai donné, et dans les suites de stages, j’ai rien trouvé de plus .  et encore, ça, c’était un stage AFPA....

 

Quand on me propose des choses du genre « apprendre à constituer votre cv » votre « lettre de motivation » ... aaaaahhhhhh.... j’aime bien, ça, la lettre de motivation ...  vous voulez que je vous explique ce que c’est, une lettre de motivation ?????? alors on y va ! :

 

Lettre : ensemble de mots sensé(s) constituer un tout pour être lisible de nos frères humains contemporains.

Motivation : quelque chose qu’on a envie de faire .

 

Lettre de motivation : ensemble de mots sensés expliquer à un potentiel futur patron qu’on a envie de se dépenser sans compter pour qu’il mette plus de fric dans sa poche à la fin du mois. (autrement dit, je suis une entreprise de bienfaisance à moi toute seule.)

 

Les opérations commando style stage de motivation, j’y suis passée aussi . ça se passe comme ça . on est convoqué –que dis-je- sommé de venir à 8 heures pétantes dans un endroit le plus souvent situé dans une zone commerciale, artisanale, industrielle, bref, un endroit où il ne se passe rien avant 10 heures, heure d’ouverture des magasins. Ensuite, vous poireautez sur le trottoir pendant une bonne demi-heure, en attendant que ceux qui sont du bon côté de la barrière (au chaud, ou au frais, selon la saison) daignent vous ouvrir les portes après avoir siroté leur café, et s’être raconté le film de la veille au soir . puis, on vous introduit, les 15 que vous êtes dans une pièce exiguë où il n’y a forcément que 10 chaises, donc, va falloir aller à la pêche aux chaises, et devoir se serrer. Bonjour la promiscuité. Puis on procède à l’appel, et ceci, bien entendu après avoir cherché la feuille de présence qui a disparu comme par enchantement 10 minutes plus tôt, probablement à cause des courants d’air créés par nous autres, les demandants qui n’ont rien demandé, et qui préfèreraient s’occuper de leur môme, ou faignasser sous la couette ou encore, réellement chercher du boulot... aller au charbon, quoi . quand on a retrouvé la feuille de présence, il s’est bien passé 15 minutes en palabre dans l’équipe chargée de nous ... coacher/surveiller/exercer leur regard aguerri de psy de bazar/nous tenir à l’œil (biffer la mention inutile)...Mais si, Michel, je t’assure, je l’avais posée sur ton bureau à cause de monsieur machin qui a téléphoné qu’il ne pourrait pas être présent ce matin !  lequel Michel n’a jamais vu la feuille, mais bon, laissons tomber .

9 heures 25. un membre, qui paraît être le chef dit : bon, on va commencer, n’est-ce pas ? en jetant sur nous le regard du fermier qui va ramasser les œufs de ses poules non encore atteintes par le syndrome de la grippe aviaire ...

 (une petite précision avant de continuer. Les entreprises dans lesquelles on envoie se former les 15 personnes sont des entreprises privées, émargées fort cher par l’état, et intervenant à titre privé sur nos petites personnes. On nous chouchoute, hein ? ) 

et comme ça suffit pas, pour une quinzaine de larves comme nous qui matons le type en question, les collègues, au nombre de trois, les bras croisés, le premier se tenant derrière celui qui cause, et les deux autres dans l’embrasure de la porte, restent là, des fois qu’on aurait envie de se sauver tout de suite . ah j’oubliais . dans la pièce, les fenêtres  peuvent :

-         Etre démunies d’un système d’ouverture,

ET/OU

-         Etre munies de barreaux.

 

Pourquoi ? on sait pas , mais ça sent quand même vachement de la prison, notre truc ...   

 

Le monsieur x se présente, (il porte un nom, lui) et un titre , et nous sort quelques vérités très bonnes à asséner qui, en résumé, veulent insinuer que si nous nous trouvons ici, c’est de notre faute, puisqu’on a pas encore de boulot.

 

Dont acte.

 

Ensuite, il nous explique comment on va pouvoir se sortir du merdier où nous nous sommes mis sciemment, soit en quittant notre bien aimé patron pour causes diverses, soit en ayant été licencié pour des raisons variées.

 

-         entre temps, circule sur les tables la feuille de présence  qui a refait son apparition, et s’avère, une fois que le monde présent a signé, qu’il y a un blanc ENORME dans une case. On ne voit que ça. Affolé, l’agent chef demande qui n’est pas présent, question à laquelle nous ne pouvons bien sûr pas répondre, puisque il y a une heure ½ on ne s’était encore jamais vus ... –

 

nous reprenons là le cours de notre sermon, on nous dit qu’il va falloir s’y mettre, que le travail, ça se trouve pas sous le sabot d’un cheval (il est content de sa citation, en plus ...et nous sourit de l’air béat du type qui a tout compris de l’humour face au chômeur, il a du obtenir une formation pour ça ...) et que, pendant trois semaines, il sera là avec son équipe pour répondre à toutes nos questions. Après, il passe le relais à son sous fifre, car il doit aller suivre un stage.

 

Puis, il passe la parole à la dame de fer, qui se tient depuis le début de la séance derrière lui sans un sourire, passant son temps à observer les réactions des uns et des autres, pour répondre par avance aux éventuelles questions qu’on aura pas pensé à poser. Ça doit être « tempête sous un crâne de fonctionnaire » avec tout ce qu’elle a du emmagasiner dans les minutes qui précèdent, ils ont pas l’habitude, les pauvres ...

 

La dame nous explique comment va s’articuler le  « stage »...

1)      phase de désintoxication du dodo, du café et des clopes, (et autres assimilés), 

 

2)    phase d’auto critique,

3)    phase de désintégration mentale nécessaire à entamer la

4)    phase, reconstruction de l’humanus besognus, et promis, juré, quand on sortira de là, on sera des bêêêêêtes de travail... je devrais dire de somme...

 

Et, pour mettre en application son premier principe, elle regarde sa montre et nous annonce qu’elle nous accorde 10 minutes de pause, et qu’on peut aller prendre un café.

Je vais pas vous la faire pendant le mois et demi, parce que quand j’ai vu comment ça se passait, j’ai pris sur mon temps de pause et suis allée voir le chef de chantier pour lui expliquer que j’étais venue là de mon plein gré , et que je pensais pouvoir, au vu de ce que j’avais entendu avant, pouvoir me débrouiller toute seule. Proche de l’apoplexie, il était ! on doit pas leur résister très souvent, à ceux là... pour lui, c’était comme si j’avais fait une sortie d’hôpital contre avis médical...

Bien entendu, on m’a menacé de radiation, mais j’en ai rien à faire, puisque les Assedic ne m’indemnisent pas ... 

 

Ça, c’est pour les stages de tous poils proposé par l’Agence...

 

Je ne voudrais pas dire qu’ils ne font que des choses négatives, à l’agence... mais je reste perplexe quand même quant aux outils employés.

 

Le site Web, par exemple. Eh bien, en fait, il doit y en avoir deux . un pour les agents, et l’autre pour les chercheurs d’emploi. Et vous pouvez y aller, ça ne donne JAMAIS les mêmes résultats... lorsque vous allez à l’agence, et que vous avez un entretien avec un prospecteur (ils appellent ça comme ça.... ), il ou elle vous trouve au moins trois offres susceptibles de vous convenir, et qu’il faut appeler dans les plus brefs délais : et là, vous vous entendez répondre qu’il faut envoyer un CV et une lettre de motivation MANUSCRITE avec photo. On aurait pu éviter la case appel téléphonique, surtout pour tomber sur une standardiste qui ne fait qu’appliquer une consigne qu’on lui aura donné, et... si ça se trouve, c’est peut être elle qu’on veut remplacer ? Alors que, quand vous êtes chez vous, devant votre pc, jonché de miettes en tous genres, de papiers de friandises vidés de leur contenu, de résidus de cendres et de taches de café ou de thé, l’ordinateur d’en face, il doit le voir, le bordel, c’est pas dieu possible ! et là, soit le serveur est en phase de maintenance, repassez plus tard s’il vous plaît, soit ça marche mais aucune offre ne correspond à votre profil. Alors que ce matin, à l’agence.... bon. Passons, et poussons l’hypothèse d’école que ça marche enfin. La définition du poste est là, devant vous : ça vous convient à peu près, pour une fois qu’on en trouve un, on va pas faire la difficile !

Que faut il faire ? écrire ? téléphoner ? Pas d’adresse, même pas le nom de la boîte. Juste un numéro de téléphone. Ça y est, on le tient . ça peut pas m’échapper, il est pour moi, celui là ! on décroche donc son téléphone, et qu’est-ce qu’on entend à l’autre bout du fil ????????

-vous êtes en communication avec le répondeur de l’agence pour l’emploi de Trifouilly sur Berancourt, nos bureaux sont actuellement fermés, veuillez rappeler pendant les heures d’ouverture, soit, du lundi au jeudi de 8 h 30 à 16 h, ou le vendredi matin de 8 h 30 à 12 heures. Merci de votre appel.

Et paf, une petite musique  qui te dit c’est fini, et tut tut tut tut .....

 

J’ai pas encore précisé que lorsque j’appelle, il est exactement 16 h 12. Ah ben oui. Y a les 35 heures... encore une fois, je suis hors limite, et il faut donc que j’attende lundi pour rappeler et avoir le sésame . OK.

 

Sautons donc le week end où rien d’intéressant ne se passe. Pour nous autres, chômeurs, le week end, c’est tous les jours. Du moins, les autres le croient.

Lundi matin, 8 h 15. j’ai affûté mon plus beau sourire devant mon téléphone (si, si, ça se voit au téléphone, si vous souriez..., j’ai appris ça dans un « stage ») et à cette heure, ça répond ça :

 

-         toutes les lignes de votre correspondant sont occupées. Nous vous invitons à renouveler votre appel ultérieurement. Si vous désirez une information sur le suivi en cours de votre dossier Assedic, tapez 1. si vous .... etc., etc...

 

et pendant ce temps là, la note de téléphone, elle, elle monte . vous avez eu personne, vous n’avez pas votre info, y en a peut être 50 qui, comme vous se sont ratés vendredi dernier sur ce poste, et étaient dans les starting-blocks dès 7 h 45 ce matin, et qui ont saturé le standard dés l’ouverture...

 

Et la, je vous ai gardé le pompon pour la fin !

C’est une règle que je tiens d’une prospectrice de l’Anpe avec qui j’avais de bons contacts, et la dame m’a expliqué que quand ils recevaient une offre d’une entreprise, ils limitaient à 14 le nombre de personnes qu’ils envoyaient au front. C’était une histoire de gestion des postes, pudiquement appelé comme ça pour que le recruteur ne croule pas sous les candidatures considérées comme peu sérieuses.

 

Là où le bât blesse, c’est que pour participer au casting, il faut quand même passer les éliminatoires devant le prospecteur, et il n’y a pas de repêchage ! on est pas non plus à la Nouvelle Star !  donc, même si le 14ème est « limite », on l’envoie lui, et vous, vous pouvez retourner dans vos paperasses et les tableaux de l’agence, et dire adieu au poste convoité ! il n’y a, dans ce système, même pas de possibilité de mettre des candidats supplémentaires sur liste d’attente, donc, si aucun des 14 ne convient à l’entreprise, on reprend le cycle à zéro !

 

Que de perte de temps ! j’aimerais bien tenir entre mes mains le petit scribouillard probablement sorti d’une grande école qui a mis au point ce système !

 

Quoi qu’il en soit, je n’en veux aucunement au personnel des Agences, ils sont, tout comme nous, otages du système. Ils sont payés –et formés- pour un certain type de travail, et j’ai entendu à plusieurs reprises certains d’entre eux dire qu’ils ne pouvaient pas être à la fois assistants sociaux, psy, punching-ball ou soupape de sûreté, et que la mission de service public qu’on leur confiait, il faisait du mieux d’eux même pour la remplir. De l’autre côté de la barrière, il y a les profiteurs du système, ceux qui font qu’on paye les pots cassés pour eux pendant qu’ils s’enfuient avec la caisse, et nous autres, les gagnes petits du chômedu tous azimuts... entre les deux, il y a des gens qui essaient de se démener, et qui, à leur petite échelle, font en sorte qu’on ait quand même un petit espoir quand on pousse la porte de l’agence, en se disant : « c’est peut être la dernière fois que je viens traîner mes guêtres ici... »  

 


24/05/2014
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